PAN w Z-nem (53): Les concepts occidentaux de l’ordre social : de l’Auguste Comte (1842) au F.A. von Hayek (1939)

Les concepts occidentaux de l’ordre social : de la « corporation européenne » d’Auguste Comte (1842) à la « tumeur mondiale » de F.A. von Hayek (1939)

par Dr Marek Glogoczowski

Académie poméranienne de Pédagogie, Slupsk, Pologne, 2002

mglogo@poczta.fm

(traduit d’anglais par Marcel Charbonnier, marcel.charbonnier@industrie.gouv.fr)

[Conférence prononcée à la Table ronde internationale sur les Regroupements régionaux et leur Impact sur les Relations internationales, Vienne, 6-9.12.2002. Les notes et les addenda sont postérieurs.]

 A) Le concept de « corporation européenne » d’Auguste Comte

En étudiant la philosophie positiviste du XIXème siècle, j’ai été surpris de constater à quel point l’Union européenne actuelle (ancienne Communauté européenne) ressemble aux projets élaborés par le « messie positiviste » français, Auguste Comte. Comte avait imaginé – en raisonnant au moyen d’analogies inspirées par la structuration des animaux supérieurs – que toute l’Humanité était destinée à former une union, qu’il appelait le Grand Etre, qui contiendrait tous les humains : toutes les races seraient représentées de manière harmonieuse dans cette construction et, en raison de leur propension naturelle, les hommes blancs en prendraient le commandement (la tête) ; les Jaunes seraient considérés comme des hommes d’action (les bras), tandis que les Noirs seraient chargés de la vie sentimentale (le cœur). Dans la vision de Comte, l’homme est intrinsèquement altruiste et sociable, c’est pourquoi il ne vit que « pour ses voisins ». Afin d’atteindre ce but nécessaire de la Religion de l’Humanité qu’il avait créé, il alla jusqu’à imaginer un rôle spécifique de la femme, composante de notre espèce, en créant à cet effet le culte de la Vierge Mère. Comte copia la plus grande partie de ses propositions en matière religieuse sur la religion catholique, et réciproquement, le clergé catholique était largement soumis à l’influence spirituelle de Comte, comme le démontre le dogme de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, qui fut introduit en 1864 par le Pape Pie IX.

Pour Comte, toutes les strates sociales auront conscience, dans son Etat positif, de leur mutuelle solidarité, à commencer par les « humbles administrateurs » gérant les affaires de l’Etat, et en finissant par les prolétaires classés en différents niveaux en fonction du statut de leur profession. Ces prolétaires comprendront totalement la nécessité de l’accumulation du capital entre les mains d’une élite au pouvoir, celle des banquiers. Compte espérait qu’avant même la fin de son siècle (le dix-neuvième), les savants positivistes créeraient en Europe un super-Etat transnational, qu’il appelait la Corporation européenne, et dont le Comité de Gouvernement (actuellement : la Commission) serait composé de 8 Français, 7 Anglais, 6 Italiens, 5 Allemands et 4 Espagnols. La mission de cette Corporation européenne était hautement spirituelle, même si elle devait s’accomplir grâce aux moyens et méthodes de l’économie et des techniques modernes.

 Afin de renforcer la cohésion sociale de ce corps transnational européen, Comte proposait de diviser l’Europe entre plusieurs « Eurorégions », d’une taille de un à trois millions d’habitants, et de placer à la tête de chacune de ces régions un « triumvirat » choisi parmi les banquiers locaux les plus en vue, entourés de l’élite scientifique et artistique. Bien que Compte limitât son projet à la seule Europe occidentale, il espérait qu’il finirait par s’étendre au monde entier, en commençant par les colonies, qui furent pour la plupart établies durant sa vie par les Puissances occidentales énumérées plus haut.

 Le philosophe polonais Leszek Kolakowski (qui enseigne à présent au All Souls College d’Oxford) affirme que les projets socio-politiques de Comte – fondés sur la solidarité entre classes sociales, l’organisation scientifique, la suppression de la libre pensée et la foi dans le Progrès – ont dans une grande mesure été réalisés dans la pratique par les Etats fascistes européens (Italie, Allemagne, Espagne, etc) au cours de la première moitié du XXème siècle. Leur idéologie « corporatiste » fut remise en vigueur dans la Communauté (puis l’Union) européenne, comme l’illustre l’ouvrage « La montée de l’Europe fasciste », publié en 2000 par l’homme d’affaires et homme politique anglais Rodney Atkinson. (NB : j’ai eu le plaisir de rencontrer Atkinson, il y a environ un mois, à Varsovie, à l’occasion du lancement de la traduction polonaise de son dernier livre au sujet des origines de l’Union européenne).

 Mais peut-on dire que l’Union européenne – comme l’affirme Atkinson – est l’héritière légitime des Etats fascistes d’hier, et donc, du même coup, un dernier avatar du concept de Corporation (ouest) européenne d’Auguste Comte ? Nous pouvons aisément montrer la différence fondamentale entre les Etats fascistes européens – disparus depuis plusieurs décennies – et l’Union européenne de plus en plus « libérale » (comme les Etats-Unis) d’aujourd’hui, influencée par les dogmes « post-modernistes » néolibéraux.

Avant de développer ce projet d’Union européenne « post-moderniste » (ou « post-futuriste ») – projet valable aussi pour le reste du monde – j’aimerais rappeler une critique importante d’Auguste Comte faite dans les années 1920 par le Jésuite français Henri de Lubac [1]. Celui-ci faisait observer que Comte, conformément à son positivisme, considérait la plupart des grands philosophes et chefs spirituels de l’antiquité – en particulier Platon et Jésus de Nazareth – comme des êtres immoraux, car ils n’attachaient aucune importance au travail, jugé par les Anciens comme une occupation tout juste bonne pour les esclaves. Dans son ouvrage « Critique du néopositivisme », Leszek Kolakowski insiste sur le fait que Comte, en sa qualité de penseur optimiste du XIXème siècle, voulait inverser le rôle de l’Eglise catholique, en faisant de son clergé un outil (une sorte de « chien de garde pastoral ») veillant à ce que les prolétaires ne se libérassent point des travaux qui leur étaient prescrits en vertu de leurs qualifications. Et en réalité, une telle inversion du rôle de l’Eglise s’est produite, après le Concile Vatican II : c’est dans cet esprit positif du « Nouveau catholicisme » qu’a été écrite, par exemple, en 1981, l’Encyclique « Laborem exercens », dans laquelle l’actuel Pape Jean-Paul II met l’accent sur l’obligation de conquérir la Terre par le moyen du labeur humain. D’après le Pape, cette idée « catholique » (qui de toute évidence inspira tant les fascistes que les libéraux) découle directement de la Torah juive, dans laquelle le Dieu (d’Israël) ordonne à son Peuple Elu « de dominer la Terre ».

Critiquant Auguste Comte à la manière « catholique ancienne », Henri de Lubac rappelle que conformément au « Messie » de la Religion de l’Humanité, les « Pères Fondateurs » de sa foi positive étaient Moïse, Saint Paul et Mahomet. A propos de ces personnages, il convient de rappeler que déjà, à la fin du quinzième siècle, le cardinal Zborowski de Cracovie appelait – en public – les fondateurs des trois principales religions monothéistes les « trois plus grands charlatans de l’Humanité ». Si nous adoptons cette opinion non orthodoxe de ce cardinal de la Renaissance, alors nous devrons considérer de la même manière Auguste Comte, avec son culte de la Vierge Marie, du Travail et de la Science, et pour finir, de l’Humanité.

Malgré nos critiques contre le « charlatanisme positif » de Comte, un aspect, dans son système, demeure digne d’estime. Comte affirmait que les hommes sont altruistes de par leur nature même (qui peut être, parfois, très enfouie dans les profondeurs de leur personnalité), et que par conséquent, ils ressentent un besoin interne de « vivre pour les autres ». C’est la raison pour laquelle le slogan unificateur qu’il proposait pour sa Corporation européenne était : « L’amour pour Principe, l’Ordre pour Base et le Progrès pour Objectif ».

 B) La « tumeur globale », projet de F. A. von Hayek

 Auguste Comte considérait « rétrograde » la version protestante du christianisme, et il était violemment opposé à l’idée de « société civile libérale », très populaire à son époque, mais seulement en Angleterre et aux Etats-Unis. Comte affirmait, en concordance avec sa vision organique de l’Humanité, que le « véritable individualisme » de style anglais n’est qu’ « une guerre menée par des individus contre leur propre espèce. » En étudiant la pensée visionnaire de Comte en parallèle avec des théories populaires dans la sociobiologie contemporaine, nous comparerons ces individus humains « libre entrepreneurs » avec les cellules cancéreuses de la société industrielle, dont les microorganismes égoïstes tendent à organiser leurs colonies (appelées métastases) dans les tissus d’un organisme normalement « holiste », auquel elles s’attaquent.

 L’un des idéologues les plus éminents de la « colonisation libérale » du monde était Friedrich August von Hayek, un économiste d’origine juive austro-tchèque, qui finit par devenir professeur titulaire de la London School of Economics avant la Seconde guerre mondiale. Les conférences qu’il y donna ne tardèrent pas à devenir la « nouvelle Bible » des forces économiques ultra-libérales occidentales, qui colonisent de nos jours la Planète entière [2]. (L’idée de Comte d’une « Europe intégrée » totalitaire a dû attendre quatre-vingts ans pour se concrétiser dans l’ « Estado totalitario » de Mussolini. Les concepts hayékiens d’un super-Etat ultralibéral planétaire, formulés pour la première fois en 1939, n’ont eu besoin que de cinquante ans pour être mis en pratique à très grande échelle, immédiatement après la destruction, « de l’intérieur », de l’URSS.)

Dans l’interprétation hayékienne de la nature humaine, l’homme n’est pas un être altruiste – comme chez Comte – mais, au contraire, l’homme est totalement égoïste, pour le citer exactement : « l’homme est un être authentiquement individualiste. » Pour cette « raison Suprême) (raison, avec un ‘r’ minuscule, insiste Hayek), la structure de toute société, où que ce soit dans le monde, sera transformée graduellement de telle sorte qu’elle permettra l’essor d’une compétition économique entre individus organisés dans des groupes non-gouvernementaux, tels les minorités linguistiques, les clans, les associations religieuses et les loges maçonniques, et cette compétition apportera « le bonheur à une majorité d’entre eux ». Dans sa conviction personnelle de la nature suprêmement égoïste des êtres humains, Hayek, de toute évidence, s’appuie sur l’opinion de plusieurs philosophes anglais influents, et en particulier sur Thomas Hobbes, lequel avait forgé, trois siècles auparavant la célèbre maxime : « L’homme est un loup pour l’homme ». [« Homo homini lupus »]

 Bien que la « découverte » hobbesienne impressionnât nombre de penseurs bourgeois – en particulier ceux qui haïssaient les animaux sauvages – des observateurs aimant la vie sauvage découvrirent bientôt (bien que leur voix soit en général étouffée) que les loups sont des animaux très sociables, voire même « socialistes ». Ils aiment jouer ensemble (même parfois avec leurs frères domestiqués, les chiens), ils partagent la nourriture qu’ils ont chassée et ils s’entraident dans l’élevage de leurs petits : le célèbre mythe romain dit que les fondateurs de Rome ont été sauvés de la mort par inanition par une louve fondamentalement altruiste.

C’est pour cette raison que nous devons apporter plus de précision à la maxime de Hobbes au sujet de la prétendue hostilité des hommes envers leur voisin. En reprenant l’analogie contenue dans le titre de cette conférence, nous proposons de remplacer l’assertion de Hobbes par une maxime plus pertinente : « Dans la société libérale, l’homme devient pour l’homme une cellule cancéreuse qui est « fraternellement étrangère. » aux autres [3] Et, en effet, l’essentiel des écrits de von Hayek est dévolu à l’élaboration de méthodes permettant de rendre les gens mutuellement étrangers les uns aux autres, exempts de toute trace d’amitié ou d’altruisme. [4] Dans ses œuvres, largement diffusées aujourd’hui en Europe orientale, von Hayek insiste sur le fait que les « vrais individualistes » (lesquels, d’après lui, sont particulièrement nombreux chez les Anglo-Américains) sont les ennemis jurés tant des socialistes que des nationalistes, lesquels sont des « frères jumeaux totalitaires ». En accord avec une telle compréhension de la nature humaine, nous devons réécrire la maxime moderniste, positiviste, de la « Corporation européenne » d’Auguste Comte (L’Amour pour Principe, l’Ordre pour Base et le Progrès pour But), en la transformant en cette maxime post-moderniste pour la « société tumorale globale » proposée par Hayek, dès 1947 : « La Haine (des nationalistes et des socialistes) pour Principe, le Désordre (c’est-à-dire cet ordre qui résulte d’un chaos artificiel) pour Base, et la Régression de l’Humanité pour Objectif. » Cette maxime bien ancrée dans notre esprit, nous pourrons déduire aisément les conséquences du Projet tumoral global contenu dans les écrits de divers prophètes de la post-modernité (non seulement Hayek, mais aussi Popper, Sorros, Derrida, Monod, Jacob, Glucksman, etc).

Tout d’abord, à la question qui nous intéresse, de savoir si de quelconques regroupements régionaux seront autorisés dans un monde ultra-libéral, la réponse est un NON retentissant. Dans le cas du Super-Etat positif de Comte, chaque euro-région était supposée avoir l’opportunité d’une croissance autonome, garantie par le fait que Comte plaçait à sa tête trois des banquiers les plus puissants localement. De plus, la population locale – malgré ses différentes nationalités (et races) – était littéralement « invitée » à croître jusqu’à former un corps social cohérent. La pratique de plusieurs Etats fascistes européens de la première moitié du vingtième siècle – puis, en particulier, celle du « bloc socialiste » de la seconde moitié du vingtième siècle – démontre que la solidarité à l’intérieur de ces deux « monstres » totalitaires n’était pas simple slogan creux. En particulier, dans les pays socialistes, plusieurs mini-nations risquant l’extinction – tels les Sorbes, en Allemagne de l’Est – eurent la possibilité de se maintenir et de développer leur culture de manière autonome. En dépit du harassement des « nationalistes bourgeois » en Union soviétique, pratiquement toutes les nations composant l’URSS ont survécu jusqu’au vingtième siècle. Cela, nous devons le comparer à la situation des Etats-Unis, où un siècle auparavant, 105 nations indiennes avaient purement et simplement cessé d’exister.

Ensuite. En ce qui concerne les détails de la « Transformation tumorale de l’Humanité » exposée par Hayek, il convient de citer son article « Conditions Economiques d’une Fédération internationale », publié pour la première fois en 1939 [5]. Dans ce document, il écrit :

 Les frontières économiques créent des intérêts communs régionaux, dans lesquels les liens interpersonnels sont particulièrement forts. Cela entraîne que tous les conflits d’intérêts sont des conflits opposant entre eux ces mêmes groupes d’homme, et non pas des conflits entre groupes à la composition constamment changeante. Ainsi apparaît une situation dans laquelle des parties au conflit sont les habitants d’un pays donné, et non pas divers individus liés par des intérêts partagés tantôt avec un premier groupe, tantôt avec un second, et à une autre occasion, avec le second contre le premier. (…) Ainsi, il devient évident que dans l’intérêt de l’ensemble, pris au sens le plus large, ces groupements ne pourront être durables ; en particulier, ils ne pourront pas empiéter sur la division territoriale, en s’identifiant de manière durable avec les habitants d’une région donnée.

Ici, l’auteur de la « Bible libérale » propose que les peuples de l’Empire Mondial soient en permanence mélangés, afin que ne puissent se former (ni perdurer par conservation du passé) des cultures durables et distinctes. Les habitants de l’Empire Global sont censés être apatrides (et donc, automatiquement, sans identité), des humanoïdes se déplaçant « de manière individualiste » dans des directions qui leur seront imparties par des dirigeants financiers « invisibles », dont l’existence est implicite, dans les écrits de Hayek. Comme l’affirme ouvertement ce « Messie » de la libre entreprise, la « liquidation de la souveraineté des Etats est l’objectif nécessaire et logique du programme libéral ». Ce programme de liquidation des nations, daté de 1939, est devenu entièrement opératoire en 1989. L’unique objectif collectif de l’activité humaine, admise dans l’Empire Global, sera obligatoirement l’acquisition de propriété privée, « seule capable de procurer le bonheur à une majorité des gens », et en particulier de ces biens de consommation, clinquants, qui font l’objet d’une production et d’une distribution compétitives, de masse.

 Les chercheurs en cancérologie savent qu’une des méthodes permettant d’induire des tumeurs consiste à mélanger artificiellement des tissus différents, en particulier provenant de différents organismes. Dans une situation de ce type, les cellules ne peuvent « reconnaître » leurs voisines, et elles se mettent à les considérer comme des « étrangères ». À la place d’une collaboration intercellulaire parfaite (caractéristique d’un tissu sain) ces quelques cellules, qui ont conservé leur tendance embryonnaire à se lancer dans une croissance sans bornes, se mettent à proliférer, privant de nutriments celles qui, ayant perdu leur « plasticité » juvénile, ont déjà été solidement entraînées à accomplir des fonctions collectives, caractéristiques d’un tissu mature.

 Aux Etats-Unis nous avons, déjà depuis deux siècles, une expérimentation à grande échelle avec le mélange constant de populations différentes. Et en effet, semblable à celle des cellules cancéreuses, l’obesité des citoyens ordinaires, lié avec forms diverses de leur néotenie tant physique que psychique, excède là-bas tout ce que l’on peut constater dans d’autres sociétés, moins « libres ». (La néotenie consiste de la préservation des comportements et des croyances infantiles à un âge sexuellement adulte.) Tout ceci se combine avec l’absence de toute cohésion sociale, excepté une participation enthousiaste dans les carrières d’entreprises visant directement l’exploitation et la consommation de toutes les ressources terrestres. A présent, nous observons la formation de « métastases » culturelles américaines un peu partout, et ne particulier sous la forme des chaînes de restauration rapide McDonald’s, d’inflation d’un système bancaire parasitaire, d’une musique mélodiquement indigente et tonitruante destructrice de cellules cérébrales et aussi sous les traits bien connus de la « lumpen-culture » américaine actuelle.

 Troisièmement. Hayek était un « Messie », rêvant au développement mondial de la société des castes qui caractérisait tout particulièrement l’Angleterre des dix-huitième et dix-neuvième siècles. Dans une conférence prononcée en 1945, intitulée « Le faux et le vrai individualisme », il mettait l’accent sur la nécessité de dresser la population à la manière dont on dresse les chiens, qui doivent apprendre à opérer le distinguo entre leurs maîtres (et les biens de ceux-ci) et les étrangers. Il écrit : « Nous devons établir des règles, qui seront des indicateurs… permettant à tout un chacun de distinguer ce qui est à lui et ce qui est à autrui, et sur la base desquelles lui et ses compagnons pourront reconnaître (comme un chien de berger) ce qui relève de leur sphère de responsabilité.

 Grâce à un dressage aussi sophistiqué, la connaissance de l’individu devient artificiellement prisonnière d’un domaine très étroit de la réalité, et le but général de la société échappe à la vue du grand public. Ce but général, dont de toute évidence on suppose qu’il s’agit d’ « apporter la bonheur à une majorité », est à peine caché, dans les écrits de Hayek : il s’agit bien de la division définitive de l’humanité en diverses castes. Afin de garantir « pour toujours » le régime de castes planétaire projeté, il déniait le principe de l’égalité d’accès à l’éducation (principe populaire auprès des socialistes et des nationalistes de tous poils.)

 « Du point de vue de l’individualisme, les efforts visant à donner des chances égales au départ à tous les individus ne sont pas raisonnables. Cela ne permet pas de tirer des profits à ceux qui n’ont jamais travaillé pour les acquérir – par example de profiter de ce que leurs parents sont plus intelligents (lire : plus riches que la moyenne), ou plus scrupuleux (lire : conformes au exigences de leurs maîtres financiers) que la moyenne ».

Ceux qui dans leur éducation s’aident au moyen de la de la richesse – et de la position sociale – de leurs parents sont beaucoup moins motivés que les autres dans une acquisition (internalisation) solide du materiel scolaire. Le soupçon que Fredriech von Hayek – comme privilegié par son naissance – ait acquis, dans son enfance, une éducation fort médiocre, est renforcé par la citation suivante tirée du même chapitre consacré à l’ « Individualisme » :

« La Raison humaine (avec un grand « R ») n’existe pas « au singulier », en tant que quelque chose de donné ou d’accessible à une personne concrète, comme les rationalistes ont coutume de le postuler… De la conscience des limites de la connaissance humaine, et du fait que personne, ni aucun groupe restreint, ne peut savoir tout ce qui est connu par autrui, un véritable individualiste tire la conclusion pratique suivante : il exige une stricte limitation de toute coercition et de l’exclusivité du pouvoir. »

Travaillant aujourd’hui comme professeur de philosophie à l’Académie Poméranienne de Pédagogie, en Pologne, je me dois de faire remarquer qu’en argumentant de la sorte, notre professeur de la London School of Economy aurait des difficultés à réussir à un examen de logique, matière obligatoire pour les étudiants de ma faculté. La question soulevée par Hayek, à savoir : « les gens peuvent-ils Raisonner ? » (avec un « R » capital), est relativement simple. Dans notre enfance, nous avons tous un petit cerveau et, en raison de l’immaturité de nos structures neuronales, nous sommes seulement capables de raisonner (avec un « r » minuscule, comme le précise Hayek, qui a certainement à l’esprit ses propres performances mentales…). Mais normalement, après avoir atteint sa pleine maturité mentale, un homme – grâce à son auto-éducation senso-motrice individuelle, qui se poursuit durant plusieurs décades – développe la capacité de Raisonner (avec un « R » majuscule) – à la condition qu’il reçoive une information authentique (et non pas de la fausse information) de son entourage. En Raisonnant (avec un grand « R ») au sujet de la finalité des propositions « raisonnables » (avec un petit « r ») de Hayek – tel l’accès sélectif à l’éducation – nous prenons conscience aisément du fait que (son) système « authentiquement individualiste » vise trivialement à assurer que les clans des super-riches conserveront pour l’éternité leur rôle dominant dans la super-société globale.

 Quatrièmement. Hayek va jusqu’à préciser quels « clans » sont prédestinés à dominer le monde [6]. Dans sa conférence sur le « vrai et le faux individualisme », il écrit que le système libéral accorde des avantages aux « associations confessionnelles, lesquelles par un effort collectif peuvent assurer à leurs membres, durablement, des critères matériels et moraux différents de ceux qui sont pratiqués par le reste d’une société donnée. » L’histoire économique nous apprend que la manière la plus efficace d’accumuler des biens est l’usure, permise en réalité seulement à ces associations confessionnelles, qui ont édifié leurs « critères moraux » sur des prescriptions formulées par la Loi de l’Ancien Testament (la Torah [7]). Aujourd’hui, la pratique du prêt d’argent à taux usuraire (en Pologne, en 1990, ce taux dépassait officiellement les 100 %, alors que le dollar était stable…) est tellement répandu que nous ne pouvons plus accuser exclusivement les juifs d’avoir des « standards moraux » qui permettent le pillage des gens plus pauvres (et des pays les plus pauvres) par des gens extraordinairement scrupuleux lorsqu’il s’agit d’extraire les Zinsen (pourcentages) des sommes prêtées. Nous devrions donc parler, plus proprement, de judaïsation de l’ensemble du monde occidental.

Cinquièmement. En dépit de la demande formulée par Hayek que soient « établies des règles, qui seront des indicateurs… permettant aux hommes de reconnaître ce qui ressortit à leur sphère de responsabilité », une personne désireuse d’acquérir une compréhension plus approfondie de la réalité doit dépasser les « frontières » artificielles érigées en guise de protection de divers domaines « privés » de la science. Personnellement, j’ai « sauté » de la physique et de la géophysique, domaine dans lesquels j’ai commencé ma carrière scientifique, dans le domaine des sciences de la vie, en particulier de la biologie moléculaire – un domaine dans lequel plusieurs phénomènes génétiques fondamentaux sont couvert par une stricte « conspiration de la cécité » [8]. Dans cette discipline, tandis que je travaillais, dans les années 1980, pour une importante maison d’édition, en qualité d’auteur scientifique (ma responsabilité était de préparer un « digest » annuel des découvertes les plus importantes en sciences de la vie) j’ai appris quelque chose de très intéressant, qui mérite, à mon sens, d’être plus connu. Il s’avère qu’il existe plusieurs espèces de parasites, appartenant à différentes familles taxonomiques, dont les espèces se comportent d’une manière ressemblant point pour point aux méthodes de pillage « soft » mises en pratique par les libéraux contemporains.

Ce comportement parasitaire est relevé, par exemple, chez une espèce de guêpe, qui injecte, dans sa salive, un virus spécifique à l’intérieur des feuilles de certains chênes. A la suite de cette infection virale, des galles très semblables à des tumeurs commencent à se développer sur ces feuilles – tous les promeneurs en forêt les connaissent bien. Et à l’intérieur de ces galles, en toute sécurité, dans un nid douillet regorgeant de délicieuse nourriture, se développent les larves de notre guêpe… Ce mode particulier de parasitisme – consistant en l’injection de particules de RNA (acide ribonucléïque) (ou de DNA (acide disoxyribonucléïque) dans l’organisme hôte – ressemble à la méthode utilisée par les « libéraux » qui s’attaquent à des sociétés jusque-là « tribales », les transformant en agrégats d’esclaves « libres », qui fournissent, volens nolens, leur nourriture (et leur protection) à des parasites « supranationaux » colonisateurs. Dans le cas des êtres humains, qui communiquent au moyen de l’écriture, aux virus « transformateurs » cancérogènes (lesquels ne sont constitués, dans les autres espèces, que d’acides nucléïques) correspondent des « virus culturels » constitués de mots imprimés sur du papier. Ces virus sont appelés par les socio-biologistes (j’ai en particulier à l’esprit Richard Dawkins) des « Mémés » (Memory Erasing and Mind Emptying viruses = « virus écrasant la mémoire et vidant l’esprit »). [9]

 Une fois injectés dans une population donnée, par quelque agence de Relations Publiques spécialisée dans leur distribution (par exemple : la Fondation George Soros), et une fois acceptés par cette population – ce qui est généralement facile dans le cas de jeunes et ambitieux « authentiques individualistes », intoxiqués par les « nouvelles idées » du commerce – ces « mémés » (comme par exemple les écrits de Hayek) transforment automatiquement les hommes inexpérimentés en robots dépourvus d’âme. Rapidement, ils se mettent à fournir consciencieusement la nourriture (habituellement sous la forme de Zinsen – agios payés pour des emprunts souscrits à des fins de « développement ») à des « investisseurs étrangers » (qui investissent, bien entendu, dans la stupidité de ces jeunes gens ambitieux). Les structures monstrueuses des banques contemporaines, qui sont des sortes de « machines » pompant toutes les richesses de nations naguère indépendantes – et transférant ces richesses dans les poches d’ « investisseurs » invisibles vivant en toute quiétude – correspondent à ces galles ressemblant à des tumeurs (avec leurs larves de WASPs aveugles et blanches comme des cachets d’aspirine, car totalement dépigmentées, à l’intérieur – [Ici, l’auteur fait un jeu de mot sur « wasp », qui signifie « guêpe » et les « WASPs », les White American (anglo)Saxon Protestant = les Américains blancs, protestants, d’origine anglo-saxonne !]), qui se développent au détriment de feuilles de chêne, initialement pleines de santé. Dès lors que ces « tumeurs d’Humanité » excèderont les possibilités pour l’organisme hôte de les nourrir, cet hôte mourra, comme cela se produit dans le cas d’un cancer malin classique.

Existe-t-il une méthode permettante de lutter contre cette mutation maligne de notre espèce « bénie de Dieu » ? Mes connaissances en biologie moléculaire me disent qu’un organisme sain dispose d’ «enzymes inhibiteurs » spécifiques, qui, après avoir reconnu le RNA (ou le DNA) injecté comme « étranger », découpent ses longues molécules en particules inoffensives, qui pourront être réutilisées ensuite comme matériaux pour la reconstruction des composants génétiques de la cellule [10]. C’est la méthode similaire – consistante à lire attentivement un texte « nouveau » pour notre culture, puis à en démontrer la profonde stupidité, totalement étrangère à l’espèce Homo sapiens – que j’ai utilisée pour cette conférence. D’autres membres de l’espèce Homo sapiens, altruistes et désireux de coopérer, feront spontanément le reste – c’est-à-dire, veilleront à ce que le message de von Hayek (et des autres « nouveaux philosophes » de la post-modernité) sera bien acheminé, dans des conditions hygiéniques, vers le collecteur des déchets culturels.

Addendum (Février 2003)

 Il est intéressant de procéder à une synthèse hégélienne des opinions opposées qui ont été discutées plus haut. D’un côté, nous avons la thèse d’Auguste Comte, pour qui les hommes sont altruistes de par leur nature même, et ont donc un besoin interne de « vivre pour autrui ». De l’autre, nous avons l’antithèse « libérale », pour laquelle l’homme a une nature totalement égoïste, et donc ne trouve son bonheur que dans la collection de divers objets dotés d’une valeur marchande – avec le corollaire que une telle « nature humaine » fournit une impulsion éternelle au développement de l’économie.

 Pour point de départ de cette synthèse, nous proposons de prendre la faculté humaine de communication avec autrui, en particulier la faculté de parole, qui est très développée dans notre espèce. Pour le philosophe français René Descartes, cette faculté langagière est celle qui fait vraiment la différence spécifique entre nous et les autres animaux, considérés par notre philosophe du dix-septième siècle comme de simples machines. L’opposition entre la philosophie de Comte, versus l’approche hayekienne de la nature humaine, peut donc être formulée sous la forme d’une question : soit les gens parlent sous l’effet de leur besoin interne et altruiste de partager leurs observations personnelles avec autrui ; soit, au contraire, ils utilisent cette faculté principalement dans le but d’une acquisition égoïste de richesse, de prestige et de pouvoir, lesquels lui donnent une impression de bonheur…

 Dans le cas d’enfants de un à deux ans d’âge, nous pouvons constater facilement qu’ils commencent à parler simplement en imitant de mots qu’ils entendent fréquemment prononcer autour d’eux – à cet âge, le mécanisme d’acquisition du langage ne diffère que peu du comportement d’imitation de simples perroquets ordinaires. Plus tard, dans leur développement, les enfants s’expriment, poussés par le plaisir de partager leurs observations et leurs sentiments avec autrui, et cette habitude, avec le temps, devient une nécessité personnelle, interne, de communiquer avec d’autres personnes.

Déjà, dans l’Antiquité, le plaisir évident ressenti par les gens au cours d’un échange désintéressé de points de vue, a conduit à l’apparition de « sectes » scientifico-politico-religieuses – tel l’Ordre Pythagoricien – lesquelles organisations non profitables (non commerciales) ont contribué au développement et maintenance, jusqu’à l’heure actuelle, de la philosophie, de la géométrie, de l’esthétique et de l’éthique. Les membres de ces « sectes » considéraient la propriété privée de la fortune comme « vulgaire, plébéienne », et ils allaient jusqu’à pratiquer des mensonges bénins, en attribuant leurs propres découvertes à leur fondateur mythique Pythagore, de sorte que nulle jalousie ne risque de déranger la cohésion de leurs cénacles ! Ces habitudes « proto-communistes » des Pythagoriciens ont été imitées, plus tard, par la secte juive des Esséniens, puis par les premiers Chrétiens, et enfin par plusieurs Ordres chrétiens, dont celui des « Communistes » (les « Bartholoméens »), très influent en Europe Centrale au dix-huitième siècle et jusqu’au milieu du dix-neuvième.

Ces expériences historiques nous montrent qu’il est possible d’organiser les communautés humaines de façon à ce que leurs membres « vivent les uns pour les autres ». Néanmoins, l’histoire turbulente de l’Ordre pythagoricien est là pour nous enseigner que de tout temps ont existé des forces disruptives « plébéiennes », qui tendent à imposer un « ordre social » fondé exclusivement sur la vénération de l’avidité la plus scandaleusement égoïste. L’avidité apparaît chez l’homme dès l’enfance, sous la forme de ce qu’il est convenu d’appeler l’ « égoïsme infantile », lorsque les enfants commencent à considérer que tout ce qui les entoure – leurs parents, leur maison, et tout objet qu’ils voient et qu’ils convoitent – « leur appartient ». Au cours de cette phase de croissance, les enfants mentent sans hésitation, afin d’obtenir des objets qu’ils veulent posséder. Le meilleur exemple de ce comportement puéril « pédocratique » (paidos = un enfant, en grec) nous donne une idée du comportement purement égoïste d’un héros biblique, Jacob, qui extorqua, contre un plat de lentilles, les droits d’aînesse de son frère jumeau et néanmoins aîné Esaü, qui avait, accidentellement, très faim… Ce Jacob extraordinairement avide mentit, de surcroît, à son papa aveugle, afin de lui arracher des bénédictions destinées initialement à son frère aîné. (Dans les sociétés « communistes », ce genre de comportement vicieux de mioches mal élevés et d’adolescents rebelles était tout simplement impossible – la propriété étant gérée collectivement par les anciens d’une collectivité donnée).

La période de l’égoïsme infantile s’achève ordinairement autour de l’âge de dizaine d’annés. Mais, comme nous l’enseigne la théorie du développement infantile de Jean Piaget, l’enfant doit apprendre personnellement que les manifestations d’égoïsme ne sont pas sociales – les parents, les éducateurs et les amis doivent restreindre, et punir, le mensonge et les autres comportements déviants et asociaux chez les jeunes. Sinon, ces comportements juvéniles risquent de se poursuivre dans l’âge adulte, créant ainsi une personnalité durablement asociale. [11]

Contrairement à la pratique de toutes les nations civilisées de l’Antiquité, le comportement insupportable des fondateurs mythiques d’Israël non seulement est demeuré impuni, mais il a même reçu la bénédiction de Dieu (du Dieu d’Israël, pour être plus précis). Il s’agissait en évidence, d’une «invitation (directe) de Dieu » à répéter ces mensonges – et à se comporter comme un vaurien – à l’avenir. L’Ancien Testament – en opposition aux écrits des philosophes grecs – devrait être considéré, par conséquent, comme un traité d’anti-pédagogie, et cet esprit profondément anti-pédagogique, « grâce » aux efforts de l’Apôtre Paul [12] fut inoculé également dans le Nouveau Testament. Il est bien connu que la lecture des récits bibliques – en particulier ceux décrivant les cruels « Actes d’Israël », notamment le Livre de Josué – sont à l’origine de la plupart des atrocités commises par des Chrétiens, depuis les exécutions par le feu de centaines de milliers de sorcières et d’hérétiques, en passant par les guerres de religion, pour finir avec le terrible génocide qui accompagna la conquête « chrétienne » des Amériques.

La Bible, naïvement considérée par les gens simples comme « la parole de Dieu », obère la maturation mentale de ses lecteurs peu avertis, et leur fait croire à tous ces « mensonges plaisants » au sujet du Peuple élu, de l’Empire (étranger) du Mal, sous la forme de la Bête-Esau, de la création du Monde ex-nihilo, de l’Armageddon qui approche et de la nécessaire Rédemption (et Extase !) des authentiques Vrais Croyants.

Avec le développement des moyens mécaniques de communication, l’intoxication par les « vérités » de la Bible a atteint des niveaux jusqu’ici inconnus. Récemment, un de mes correspondants new-yorkais remarquait à son grand déplaisir que « New York est l’un des rares endroits au monde où il y a autant de gens qui sont persuadés que les Etats-Unis sont Dieu et que la Rédemption est venue dans le monde en 1776 ». Cela signifie que des gens, qui croient dur comme fer en la mission providentielle des Etats-Unis, peuvent mentir, voler et assassiner en toute impunité – ce « Principe Sacré » semblant confirmé jour après jour par le comportement de notre super-monstre moderne « béni de Dieu ».

La « Déclaration d’Indépendance » de 1776, évoquée par mon correspondant, ne comportait que le droit des citoyens à vivre en sécurité et dans un bonheur constant. D’autres Constitutions des Etats-Unis (et de France) datant du dix-huitième siècle ajoutaient que cet bonheur doit être recherché dans la vie privée et dans la propriété privée. Comme l’a observé l’un des participants à notre Table Ronde viennoise de décembre dernier, le philosophe français Alain de Benoist, la « liberté » formelle conquise par la bourgeoisie durant le Siècle des Lumières, était essentiellement celle de se retirer de la vie politique d’une société donnée. Cette liberté moderne « maçonnique » (ou propre aux termites) diffère radicalement de la notion de liberté caractéristique de l’Antiquité gréco-romaine, dans laquelle le « citoyen libre » était un homme libéré des contingences matérielles, et par conséquent capable de participer de manière altruiste à la vie publique de sa cité. [13]

Est-il possible de renverser cette tendance à l’ « atomisation », qui a transformé la société post-moderne ni plus ni moins en un agrégat de « monades isolées » (expression de Karl Marx), détruisant (développant, disent-elles !) de manière étourdie leur environnement, dans une poursuite infantile de la sécurité et du « bonheur » ? Notre analyse suggère que dès lors que nous levons le nez de nos manuels scolaires et de nos livres, qui enseignent aux jeunes êtres les principes de l’antipédagogie, et dès lors que nous limitons le nombre des objets inutiles qui corrompent l’esprit, aussi bien que le corps, tant des jeunes que des adultes, la société retrouvera spontanément sa forme adulte, qui est relativement inoffensive tant pour les autres espèces que pour l’environnement de la Terre. Il s’agirait, bien évidemment, d’une « société anti-biblique », du type de celle qui a existé, durant des milliers d’années, en Chine impériale, où les membres les plus jeunes d’une communauté grandissaient sous la houlette des plus anciens, en particulier de ceux parmi eux qui avaient reçu une éducation appropriée, authentiquement « holiste ».

Afin de démonter que la tumeur peut régresser grâce à une simple « purification » de son environnement des agents inhibant des contacts spontanés et étroits entre les cellules et les tissus, je joins à ce texte une photo montrant les résultats d’une expérience simple, réalisée en 1978, qui met en évidence la réversibilité de la différenciation de cellules embryonnaires précoces d’un mammifère (il pourrait s’agir aussi de cellules humaines). L’interprétation de cette expérience de Francis Jacob montre clairement ce que nous devons faire afin de mettre un terme à la prolifération de la « tumeur humaine globale ».

Notes :

[1] : Henri de Lubac “Le Drame de l’Humanisme athée”, Meridian Books, Cleveland and New York, 1963.

[2] : En Pologne, les écrits de Hayek sont propagés par la Fondation Soros/Bathory, en Tchécoslovaquie, le programme Hayek a été mené à bien par le Premier ministre Vaclav Klaus, et au cours de notre conférence à Vienne, j’ai appris qu’à Miami (Floride), on avait inauguré une « Université Hayek » destinée à former des cadres pour le Cuba post-castriste.

[3] : Un exemple imaginaire d’une société constituée d’un grouillement d’ « aliens fraternels », mutuellement hostiles, nous est donné par la Bible hébraïque, qui a été considérée (et l’est encore aujourd’hui) dans les pays anglo-saxons (d’abord en Angleterre, puis aux Etats-Unis) à l’instar d’une autorité morale, formant l’attitude communément admise des gens vis-à-vis de leur prochain. Ce « Saint Livre » nous enseigne que les « Pères fondateurs » (et les « Mères fondatrices ») d’Israël ont toujours produit une abondante progéniture, puis qu’immédiatement ces « frères mutuellement étrangers les uns pour les autres » se sont mis à se battre entre eux (Cain contre Abel, Jacob contre Esaü, les fils de Jacob contre Joseph le véridique, Moïse et son clan des Lévites, juste après avoir reçu les Dix Commandements, assassinant des milles de leurs propres « fils et frères », etc, etc… tout au long de l’histoire juive). Ces faits jettent une lumière peu reluisante sur les Pères fondateurs (et les Mères fondatrices) d’Israël, incapables, de toute évidence, d’élever leur progéniture en leur enseignant à se comporter comme la communauté mutuellement amicale des Musulmans (la Oumma) aspire à le faire. C’est pour cette raison que les premiers gnostiques chrétiens, les Marcionites et les Manichéens, considéraient la Bible comme le « Livre du Mal ». Cette information capitale fut par la suite bannie de l’Eglise, en particulier par Tertullien et Saint Augustin.

[4] : Ce n’est pas une exagération. La promotion de l’égoïsme et de l’individualisme est devenue une véritable « mission » de l’Amérique dans le monde. A la fin août 2002, j’ai participé à un congrès « Mut zur Eethik », tenu à Feldkirch, en Autriche, au cours duquel j’ai entendu l’ancien sénateur américain Bob Barr faire l’éloge des « vertus de l’égoïsme ». D’après ce Barr – qui ne faisait que répéter de manière mécanique les idées de la philosophe américaine Ayn Rand – « l’ensemble de l’Histoire peut être décrite comme le mouvement de l’individu cherchant à échapper à l’influence de la « tribu » ». Commentant cette affirmation, l’écrivain américain Mike Jones, dans son rapport depuis le Congrès de Feldkirch, faisait l’observation acide suivante : « Il est de fait que l’isolement, relooké sous le vocable de « privacy », est la seule chose qui lient les Américains entre eux. C’est peut-être vrai, mais cela ne saurait représenter le point de ralliement suffisant pour une coopération internationale du type que cette conférence est supposée encourager. »

[5] : Toutes les idées de F. Hayek citées dans cet article ont été traduites depuis l’édition polonaise de « Individualisme et ordre économique », 1996. Traduction polonaise par « Znak », Cracovie, 1998.

[6] : Le dissident soviétique connu, Alexander Zinoviev, qui est devenu, dans l’exil, un pourfendeur impitoyable de la civilisation occidentale, affirme que le monde est en passe de devenir la propriété privée d’environ cinquante millions de membres de la « Super Société » – une sorte de Uebermenschen, de « Peuple Elu » de la post-modernité. Le mélange artificiel et constant d’individus des castes inférieures, prôné par Hayek, est bien en réalité un outil efficace d’intimidation, qui protège les super-riches contre les dangers que représentent les soulèvements nationalistes ou socialistes. Vus sous cet angle, les trotskistes et les socio-démocrates contemporains, qui harcèlent de façon irréfléchie les nationalistes européens (comme ceux d’Autriche et de France, ces dernières années, lorsqu’ils voulaient que l’immigration clandestine soit contrôlée), sont en réalité les « collaborateurs secrets du Capital », comme le répétait Joseph Staline. (Dans les pays socialistes de naguère, des lois limitaient les flux de populations non contrôlés des petites villes vers les grandes – ce qui constitua un outil efficace limitant la « fuite des cerveaux » affectant les provinces.)

[7] : Les « lois » de la Torah autorisant l’usure, méthode pacifique d’esclavage des « autres », sont formulées dans Deutéronome 23:21, 15:6 et 6:11. Les Chrétiens étaient supposés « effacer les dettes de leurs débiteurs », comme le stipule leur principale prière, le Notre Père, tandis qu’il est interdit aux musulmans de prêter à usure. En Chine, les prêteurs à gages et les marchands étaient privés de leurs droits civiques. Toutes ces civilisations (qui représentent environ 80 % de l’humanité) sont condamnées à l’éradication par le système libéral imaginé par Hayek et mis en application par les institutions financières telles le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale.

[8] Marek Glogoczowski . “Lettre ouverte aux biologistes”, Fundamenta Scientiae, 2/2, 233-253, Pergamon Press, Oxford, 1981.

[9] : Le virus « Mémé » le plus connu, qui est en train, déjà depuis cinq siècles, de transformer la civilisation occidentale en une tumeur monstrueuse, n’est autre que la Sainte Bible. Les gens qui, en l’absence des précautions élémentaires requises, ont adopté ce Mémé, renonçant à leur propre Ame (la Raison) et à leur mémoire nationale, se mettent aujourd’hui à adorer étourdiment la « Nouvelle Jérusalem » décrite par le prophète Isaïe comme un super-Etat entièrement parasitaire, vivant de l’exploitation des autres cultures : « Des étrangers nourriront tes troupeaux, étrangers seront tes laboureurs et tes vignerons ; mais vous serez appelés les prêtres du Seigneur, vous mangerez des richesses des nations et dans leurs richesses vous contemplerez votre (propre) gloire (Isaïe, 61:5-6).

[10] : Cette information, concernant les mécanismes de contrôle d’un organisme sur ses propres gènes, est peu connue du grand public. Cela est dû dans une large mesure à son occultation par les « chiens de garde » du néo-darwinisme dans le champ de la biologie moléculaire. Ils maintiennent aveuglément, contre toute évidence, que des mutations adaptatives – dont celles qui peuvent conduire à l’apparition de cancers – se produisent de manière aléatoire, et qu’elles ne sont en rien conditionnées par « la réponse (de l’organisme) à un quelconque défi », comme l’a exposé Barbara McClintok dans Science, 226, 792, 1984.

[11] : Cette « mutation » pédocratique des sociétés occidentales, qui sont de plus en plus attachées à leurs possessions (« Etre, c’est Avoir »), est apparue immédiatement après les Révolutions anglaise, américaine et française. Le naturaliste français Jean-Baptiste Lamarck déplorait, en son temps, que sont pays soit tombé sous la domination de bourgeois totalement égoïstes « limités aux quelques idées de l’intérêt, et aux quelques simples jouissances physiques ».

[12] : Saint Paul a incorporé les principes pédocratiques et fondamentalement antipédagogiques de l’Ancien Testament dans son « Epître aux Romains » 9,13 : « Le plus âgé servira plus jeune que lui ». Comme il est écrit, « Jacob, je l’ai aimé ; Esau, je l’ai haï ». Dans un autre antipédagogique « Lettre pastorale », ce Vicaire du Christ met l’accent sur le fait que les Chrétiens sont supposés « être mus par la foi (en particulier dans la désinformation opérée par Paul quant à la rédemption de leurs péchés par le sang du Christ – Hébreux, 9,14), et non par ce qu’ils voient ». II Corinthiens 5,7.

[13] Alain de Benoist “La politique est-elle encore possible?”, Éléments, no 105, Paris 2002.

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